Il y a ceux qui le vendredi soir, promettent à la maman trop prévenante de rester bien sagement dans leur chambre et qui font le mur à peu près dix minutes après qu’elle ait refermée leur porte. Sinon, il y a aussi ceux qui sont tellement usés de sortir faire la fête qu’ils décident un beau jour de prendre un abonnement illimité au NCIS et aux beaux yeux de Ziva. Et pour les cas extrêmes, il y a ceux qui s’ennuient tellement que les idées stupides leur tombent dessus avec des airs d’illumination du siècle. Senha correspondait parfaitement à cette dernière catégorie, en cette soirée de fin de semaine où elle cherchait désespérément quelque chose, un intérêt, n’importe quoi pourvu qu’elle ne finisse pas cloîtrée dans sa chambre jusqu’au lendemain. La balade entre le bar et la piste de danse avec les copains était tout simplement prohibée, la jeune fille ne souhaitait pas se traîner avec misère jusque la pharmacie pour commencer le week-end.

Et ainsi, la demoiselle aux cheveux verts en était rendue à se torturer les méninges tout en tentant de trouver la position la plus inconfortable lui permettant tout de même de réfléchir. Il était environ dix-sept heures trente, elle venait de caler son dos contre le sol et de poser ses jambes sur son lit, curieuse de voir combien de temps le sang mettrait-il à lui monter à la tête. Il fallait avouer qu’il y avait plus passionnant comme distraction. Au bout d’une trentaine de secondes, elle se relevait, lassée et contrariée de ne pas avoir d’idée valable, outre des bizarreries diverses. Senha se laissa tomber avec lourdeur sur son matelas, avec un soupir désespéré, ses pupilles passant la pièce aux rayons X. Ses yeux tombèrent sur son blouson de cuir, qu’elle avait laissé traîner près de la porte, ne sachant qu’en faire, à cote duquel l’un de ses jeans avait élu domicile. Attention, révélation, que dis-je, ALLELUIA !!

Les cinq minutes qui suivirent furent consacrées à trouver le lieu le plus proche où aller s’exercer au tir, dans un endroit où elle aurait peu de chance de plomber « accidentellement » quelqu'un, question préoccupante à laquelle elle ne trouva pas de réponse. Elle remit cette interrogation à plus tard et se leva pour aller prendre son sac et son holster. Elle enfila son blouson, dont elle remonta la fermeture jusqu’à son cou, et mis son pantalon sombre avant de glisser ses pies dans ses converses mauves. Elle se doutait bien que la jupe courte ne lui tiendrait pas très chaud si elle décidait de rester tard à l’extérieur du bâtiment, et qu’il n’était pas conseillé d’avoir les jambes à l’air pour ce qu’elle allait faire. Elle passa sa bandoulière à son épaule gauche et enfonça son casque vert sur ses oreilles avant de s’engouffrer dans les couloirs à vive allure. Elle ouvrit joyeusement toutes les portes qu’elle croisa sur son chemin jusqu’à ce qu’elle déboule dans le hall et que son regard tombe sur l’escalier qui s’enfonçait sous le sol. Les souterrains ? Il ne risquait pas d’y avoir grand monde là-bas, peut-être pourrait-elle s’éloigner suffisamment pour que les détonations ne s’entendent pas… Enfin, elle n’était pas dans n’importe quelle école, il y avait tellement de gens bizarres dans cet établissement qu’il y en aurait probablement un ou deux à traîner dans les sous-sols. Et elle ne souhaitait pas non plus canarder un prof ayant eut ouïe de son affection pour les révolvers.

Senha se retrouva donc plutôt rapidement à l’extérieur de l’école, sans trop se soucier d’en être sortie. Après tout, les élèves avaient le droit d’en sortir le week-end, et elle estimait que le vendredi soir en faisait partie. De toute façon, tout le monde était dehors à ce moment, si le personnel devait courir après chaque personne en perdition dans la ville… Qui n’était d’ailleurs pas la destination de la jeune fille, elle n’était pas suffisamment bête pour débarquer dans les rues et utiliser les passants comme cibles, elle ne tenait pas à rejouer Shutter Island. Elle mit une quinzaine de minutes à traverser la ville en diagonale, cherchant le haut des cimes qu’elle savait pouvoir apercevoir en bordure de la cité. Après avoir refusé quelques invitations de part et d’autre lui proposant de faire un tour au comptoir, elle dépassa les derniers bâtiments et s’engouffra entre les buissons. Elle ne prit pas la direction du lac, elle ne comptait pas interrompre les roucoulades des couples qui devaient s’y trouver. Au lieu de cela, elle s’enfonça plus profond dans les ombres des arbres, souhaitant atteindre sans trop attendre une sorte de clairière devant laquelle elle était déjà passée une ou deux fois. Elle la retrouva vite, malgré son sens de l’orientation plutôt déplorable, et apprécia la piste qui s’offrait à elle. L’espace était plutôt grand et surtout en longueur, deux cents mètres dégagés qui lui offraient plein de possibilités.

La demoiselle posa son sac contre un tronc, avant de mettre ses gants et d’attacher son holster à sa ceinture. Elle ne comptait pas se servir de la Beretta ce soir, elle ne prit pas la peine de la monter, elle préférait s’amuser avec son Mauser. Senha passa une quarantaine de minutes à évaluer les distances, s’éloignant de plus en plus de l’arbre qu’elle s’était désignée comme cible, jusqu’à en arriver à cent cinquante mètres. Elle savait qu’elle pouvait aller plus loin mais elle n’allait pas se mettre à tenter des fantaisies dont elle n’avait encore jamais fait l’expérience. Au lieu de ça, elle décida de travailler sur son pouvoir et de voir si elle pouvait encore progresser dans les déplacements « vraiment très, très, très silencieux ». Résultat, au bout de dix minutes, elle se croyait en plein Tomb Raider et s’amusait à braquer son arme sur à peu près tout ce qui bougeait…